Dix mille transformations : un mouvement


Un hexagramme est comme un arrêt sur image : il s’agit certes d’une figure puisque composée de traits a priori immobiles, mais cette immobilité n’est qu’apparente car l’hexagramme est un mouvement, l’instantané d’une transformation en cours qu’il (pré)figure.

Saut en longueur, chronophotographie par Etienne-Jules Marey, XIXe s.De multiples illustrations de cette immobilité mobile peuvent être trouvées dans l’histoire de l’art : la chronophotographie (photo ci-contre), mais aussi le Cinétisme, le Futurisme, le Cubisme, etc. ; ceci en ne se référant qu’aux techniques d’image fixe, puisque l’hexagramme est supposé en être une.

Revenons aux traits de base : Yin ou Yang. Le principe qui sous-tend le monde est le changement, la pulsation universelle et « permanente » Yin Yang Yin Yang Yin… Un trait Yin deviendra Yang, un trait Yang deviendra Yin, inéluctablement – mais les modalités de ce passage (de cette mutation) sont multiples. Comme dans le Taï Chi ou dans d’autres arts du mouvement, le chemin le plus court (ou le plus efficace) entre deux points (ou deux états) n’est pas toujours la ligne droite. Et de fait, les traits Yin et Yang qui composent les hexagrammes, continus (traits Yang) ou discontinus (traits Yin), n’ont pas de forme définitive ; ils manifestent une certaine quantité (ou qualité, voire potentialité) de Yin et de Yang, c’est-à-dire une certaine proportion ou qualité de « Yin Yang ».

"Nu descendant un escalier", Marcel Duchamp, 1912Ainsi apparaît l’un des aspects de l’imbrication (que l’on pourrait qualifier de quantique) observable dans le modèle du vivant tel que le Yi King le décrit : chaque hexagramme porte en lui tous les autres, dans un système qui tient davantage d’une vision hologrammique que d’un système fractal, encore que les deux positions puissent être défendues. Mais en-deça (ou par-delà) les poupées russes ou l’entonnoir sémantique des hexagrammes, si on admet qu’un trait Yin est fondamentalement un trait en cours de mutation pour devenir un trait Yang, alors on accepte l’idée vertigineuse qu’il n’y a ni trait Yin ni trait Yang mais une infinité de possibilités de combinaisons Yin Yang à l’intérieur d’un seul trait, infinité contenue dans une infinité plus grande qui est celle de l’hexagramme, qui lui-même…

Deux polarités, quatre énergies de base, huit forces à l’œuvre dans la nature, soixante-quatre organisations « archétypales » (?) de l’énergie… Le système, circulaire et carré, serait-il, à l’image peut-être de l’univers, fini et sans limites ?


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

1 × trois =

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.